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Y a-t-il une vie culturelle en Algérie ?
En France, « l’exception culturelle » est, selon Monique Gadant, « de privilégier la production nationale. » En Algérie, c’est soit de ne pas s’intéresser à la culture du tout, soit d’y injecter la plus grosse dose de « propagande » possible. C’est du moins ce que pense une bonne partie des Algériens. Le maintien de Khalida Toumi à la tête du ministère de la Culture dénote-t-il la bonne santé du secteur ? Pour certains, oui. Mais pour les autres, vraisemblablement révoltés, il ne faut pas que relativiser. Mais bien plus.

Des salles pour abriter le silence
Officiellement, des infrastructures culturelles existent dans les quatre coins du pays : des maisons de culture, plus de 500 centres culturels, des théâtres régionaux, des écoles de Beaux Arts, des salles de cinéma, des bibliothèques, etc. Mais, dans la réalité, derrière chaque chiffre se cache une multitude d’autres.
Le théâtre, le cinéma, la peinture et la musique, arts dont l’essor et la promotion, moins que le livre, sont exclusivement liés aux politiques du gouvernement, la disponibilité d’espaces et d’infrastructure de leur socialisation, sont carrément aux oubliettes. Combien de salles de théâtre, de cinéma, d’exposition y-t- il en Algérie ? Très peu.
A peine un établissement pour 100.000 habitants. Comparé à nos voisins du Maroc et de la Tunisie, ou encore du Liban et de l’Egypte, nous accusons un retard énorme, ce qui veut dire que même au plan des infrastructures dont on se vante d’être performants, on est au bas de l’échelle. Pour ce qui est particulièrement des salles de théâtre et de cinéma, la donne est alarmante.
Doté de 450 salles au lendemain de l’indépendance, le parc cinématographique algérien retrécit comme une peau de chagrin.
Toutes les salles ont été fermées durant la décennie noire. Même à Alger où il y en avait 57 il n’en restait presque aucune.
Depuis quelques années, des travaux de réhabilitation sont engagés en vue de les rouvrir. Mais jusque-là, seules quelques-unes dont la gestion dépend directement du ministère de la Culture, sont rouvertes : la Sierra Maestra, Algeria, etc.
Ceci dit, le cinéma algérien, excepté quelques travaux de Belkacem Hadjadj, Ismail Ferroukhy, Marzak Allouache, etc., peine toujours à émerger sur le plan de la création.
Le manque de salles serait-il l’unique raison de sa stagnation ? Pas si sûr. Merzak Allouache, cinéaste de renom, pense que la stagnation du cinéma algérien, fait par ailleurs évident, est due non pas au seul manque de salles, même si ce problème demeure crucial, mais aussi à la cherté du tournage. « La réalisation d’un film coûte trop cher. Quelquefois, il faut frapper à plusieurs portes et ce n’est pas facile d’avoir le souffle long. Plusieurs ont laissé tomber à mi- chemin. » Même son de cloche de la part de Bachir Derrais qui trouve que les 205 milliards que donne le ministère de la Culture est largement insuffisant pour réaliser un film.
Le théâtre, art orphelin
Le père des arts n’échappe pas à l’engrenage, notamment depuis la fin des années 80. Son territoire se limite aux seuls théâtres régionaux qui, par ailleurs, ne s’ouvrent que d’une façon occasionnelle et présentent des pièces jugées, généralement, outrancièrement médiocres par les spécialistes. Un art orphelin. De Tout. Pour Ahmed Cheniki, professeur des universités et critique de théâtre, « la scène théâtrale nationale se fait de plus en plus aphone, même si de temps en temps, quelques voix s’élèvent de quelques structures et de quelques murs pour rappeler leur existence. Due à l’instabilité politique et les graves événements connus par le pays durant la décennie 90, cette situation n’a pas permis au théâtre de retrouver la vitalité et l’enthousiasme des premières années de l’indépendance. La fin des années 90 et l’an 2000 connurent l’apparition d’un autre genre de représentation célébrant l’héroïsme guerrier et mettant en scène des personnages historiques. Cette mode, prise en charge par des textes d’une médiocrité légendaire, sans aucune ligne dramaturgique, rapporte certes à ses auteurs des bénéfices financiers, mais exclut le spectateur qui boude ce type de pièces qui, trop souvent, ne dépassent pas l’unique représentation. L’Histoire de l’Algérie, pervertie à outrance, malmenée, devient le lieu d’un jeu macabre mis en scène avec la bénédiction de structures étatiques et de l’argent public. » Le problème des infrastructures n’est pas seul le responsable du recul du théâtre en Algérie pour ainsi dire. C’est l’incompatibilité des spectacles avec les besoins du public qui ont entraîné un désintérêt macabre pour le théâtre. Les chiffres inhérents aux réalisations d’infrastructures que rabâchent à chaque fois les officiels, présentés comme signe de bonne santé du secteur, cachent mal donc mal le désastre culturel national.
En effet, même quand les infrastructures existent, force est de constater que la culture n’y est pas. « Le fonctionnement trop bureaucratique accordant beaucoup plus d’importance à la fonction administrative marginalise les véritables producteurs et donne à voir une entreprise théâtrale trop fermée et se caractérisant souvent, au niveau de la gestion, par un jeu d’équilibrisme qui sanctionne négativement les meilleurs élément », analyse Ahmed Cheniki qui poursuit, tranchant : « L’entreprise, prisonnière de son statut absurde d’EPIC, en contradiction avec les textes en vigueur sur la représentation culturelle et l’activité théâtrale, va privilégier la dimension administrative occultant sérieusement la fonction artistique et technique. »

Quelle culture pour quel public ?
Le ministère, censé promouvoir la culture, bloque. Le désert a par conséquent toutes les raisons d’avancer. Même si Ahmed Cheniki pense que le désintérêt du public est essentiellement lié à la pauvreté de la production théâtrale et artistique et l'absence d'un projet culturel sérieux, force est de constater que l’équation est trop complexe.
A Boumerdès, à quelques dizaines de kilomètres d’Alger seulement, ni salle de théâtre, ni cinémathèque. La maison de la culture toujours fermée, l’activité culturelle y est au point mort. « C’est le désert », commente-on tous azimuts. « A Boumerdès, on se croirait dans une prison. Et comme le ridicule ne tue pas, on a mis à l’entrée de la ville une enseigne où s’est écrit que Boumerdès est la ville des arts et de la créativité. C’est vraiment moche », commenta Tahar, jeune artiste-musicien. « C’est la même chose partout », explique un cadre du secteur requérant l’anonymat. Pour lui, ce qui se fait relève plus de la propagande gratuite que d’activités visant à promouvoir la culture et les arts. « Il est vrai que dans certaines villes, notamment Alger et Tizi-Ouzou, il existe une certaine vie culturelle. Mais cette existence est plus médiatique qu’autre. C’est du tape-à-l’œil. » Par ailleurs, en plus de la concentration des activités dans les grandes villes, il est constatable que ces activités arrivent rarement à attirer le public. Il nous est, à maintes reprises, arrivés de nous retrouver avec quelques dizaines de personnes dans une salle de théâtre, un concert, une cinémathèque. Même les festivals régionaux, nationaux et internationaux, qui bouffent pourtant des budgets faramineux, 5.200.000.0 dinars environ par année, n’arrivent quelquefois pas à créer l’événement. «Ce qui se fait n’intéresse aucunement le public, car tout est imposé par la tutelle. Jamais le mouvement associatif et le public n’ont été associés à la conception d’un festival. Tout se décide en dehors de ceux qui sont intéressés. Or, les choses devraient se passer autrement. Pour que le public adhère, il faut aller vers lui, le former, l’écouter et l’associer afin de le fidéliser. On en est très loin », analyse encore ce cadre de la Culture.

«L'industrie du livre en Algérie est très en retard»
Y-a-t-il une industrie du livre en Algérie ? La question ne se pose même pas. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Youcef Zirem, dont les livres sont presque tous publiés en France, est catégorique : « L'industrie du livre en Algérie est très en retard : ce retard signale, avec une évidence effrayante, le retard du pays en général.
Dans les pays européens, il se publie en une seule année plus de 50 000 titres nouveaux. Combien de titres nouveaux sont-ils publiés en Algérie chaque année ? Moins de 1000... » Il existe plusieurs maisons d’édition en Algérie, 250 environs, mais même parmi les plus en vue, Barzakh, Casbah, Koukou, Chihab, Al Ikhtilef, Al Maârifa, etc., aucune n’arrive ni à faire connaître les écrivains algériens en dehors de leur pays, ni à attirer ceux qui publient à l’étranger. Pour Youcef Zirem, cette situation est due au fait qu’il n’y a jamais eu en Algérie de politique culturelle ouverte sur les véritables créateurs en dehors de la propagande du régime.

Infrastructure, oui, mais pourquoi ?
«Lire un livre, c’est éteindre un feu.» Cette célèbre phrase d’Amin Zaoui, prophétique, n’a malheureusement pas trouvé preneur. Selon le rapport annuel de l’Unesco, les Algériens ne lisent pas, ou trop peu. La culture savante n’a aucune chance de se propager dans notre société étant donné que les Algériens n’on pas accès à son principal vecteur, le livre.
Certaines parties relativisent en disant, par exemple, que le bon livre trouve toujours son bon lecteur. Mais ceci est loin d’être une règle. En effet, le champ culturel algérien, dans ses multiples dimensions, se désertifie à vue d’œil. Ce constat, il n’y a que la ministre de la Culture, Khalida Toumi, et certains de ces proches collaborateurs, qui n’y souscrivent pas. La directeur de la culture de Tizi-Ouzou, Ould Ali El Hadi, qui occupe par ailleurs le poste de directeur du Théâtre régional, de la Maison de la culture et de l’Ecole des beaux arts d’Azazga, cas inédit dans les annales de l’administration, ne rate aucune occasion pour dire, pourtant très mal placé, tout le bien qu’il pense de ses supérieurs et de la santé du secteur de la culture en Algérie. C’est le cas de presque tous les responsables du secteur qui, n’ayant aucune relation, ni directe ni indirecte, avec la culture, ne doivent leurs postes qu’à leurs accointances et leur allégeance à la ministre.
«Ce qu’on nous offre, c’est du n’importe quoi. On ferme la porte devant les vrais hommes et femmes de culture et on l’ouvre pour les parasites de tous bord. Les infrastructures culturelles, à Tizi comme ailleurs, ne sont que des tribunes pour promouvoir la culture light et folkloriser le reste.
Mais cela ne m’étonne pas venant de Khalida Toumi. Qu’est ce que cette dame a à avoir avec la culture ? Hosni Moubarak, pourtant dictateur, a mis a la tête de la culture le plus grand peintre du monde arabe, Farouk Hosni. Pourquoi pas la même chose chez nous ?» s’insurge Hakim, étudiant et metteur en scène.
«Plusieurs fois, la ministre de la Culture a promis d’introduire, de concert avec le ministère de l’Education nationale, des séances de lecture dans les programmes scolaires. Il n’en est rien » constate Saïd Karaouni, enseignant de français au collège. Pourquoi ? A quoi sert-il d’ouvrir des bibliothèques, d’éditer des livres et de construire des salles de lecture si on ne forme pas un lectorat ?

«Le lectorat, ça se forme»
Le livre n’est pas qu’une question de statistique. Le nombre de maisons d’édition, le nombre de salles de lecture, de librairies et de bibliothèques est certes important, mais le vrai casse-tête est dans le lectorat.
Combien de bibliothèques y a-t-il en Algérie ? Difficile de donner le chiffre exact. Néanmoins, il est notable que toutes les wilayas disposent de bibliothèques, toutes les universités, tous les lycées… et même les associations culturelles sont régulièrement dotés d’un lot de livres. Hamou, vice-président de l’association Taneflith N Tmazight de Draâ El Mizan confirme : «Chaque année, on reçoit un lot de livres qui va jusqu’à 200. » Mais, regrette-t-il, «les gens ne lisent pas.»
Où se situe donc le problème ? Pour Youcef Zirem, écrivain, «le lectorat peut exister grâce à l'éducation familiale, à l'école, au soutien du livre, à l'encouragement de la liberté de dire... » Autrement dit, le lectorat se forme, il ne nait pas ex-nihilo.
C’est l’avis aussi de Fayçal Houma, auteur et éditeur, qui, lui, met beaucoup plus l’accent sur le rôle de l’Etat. «Une des missions urgentes que l’Etat doit rapidement prendre est celle de replacer le livre dans une vision de développement national par la contribution permanente et volontairement consentie des acteurs intervenant dans le processus de fabrication et de distribution du livre en Algérie.
La tâche est ardue en ce sens que le livre exprime une double représentation : il demeure le pivot de la locomotive de la culture nationale et terrain d’enjeux privilégié d’idéologies malsaines et d’intérêts immenses » analyse Fayçal Houma qui considère, par ailleurs, sa profonde préoccupation quant «aux rapports moribonds qu’entretient le ministère de la Culture avec les acteurs du livre dans sa dimension de support fondamental à la culture nationale. »

Amar Ingrachen
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