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A propos de l'état du théâtre en Algérie
LETTRE DE MONSIEUR MOKHTAR ATMANI A L’OCCASION DE LA JOURNEE MONDIALE DU THEATRE. 2013

A TOUS MES AMIS, MES COMPAGNONS ET MES FRÈRES, AVEC QUI JE PARTAGE CETTE SUBLIME PASSION, RECEVEZ MES SALUTATIONS LES PLUS SINCÈRES, LES PLUS AFFECTUEUSES ET TOUS SIMPLEMENT LES PLUS THÉÂTRALES.

Tout d’abord , permettez-moi de saluer les amis dirigeants de l’Association du Festival de Théâtre de Skikda , à leur tête Monsieur BENKHELLAF Abdelmalek, grand et noble amateur endurci, pour l’honneur qu’ils m’ont fait d’être l’auteur de la lettre fraternelle qu’ils adressent annuellement à tous leurs adhérents et tous ceux qui s’intéressent à la pratique théâtrale en amateurs ou en professionnels, en leur qualité de producteurs et créateurs, ou en celle de consommateurs.

Investi de cette mission redoutable, car « les propos d’aujourd’hui, seront les bases de notre jugement de demain », mon réflexe simple a été de me tirer des fins fonds d’une concentration sur le nouveau roman en cours d’écriture, et d’actualiser mes informations sur la pratique théâtrale à travers le monde et dans le pays. Dans ce contexte, j’ai lu et étudié toutes les lettres adressées par d’illustres personnalités de la sphère théâtrale et littéraire, à l’occasion de la Journée Mondiale du Théâtre, sous l’impulsion de l’Institut International du Théâtre.

Cet Institut qui, depuis 1962, plus précisément le 27 mars de chaque année, y célèbre la Journée Mondiale du Théâtre, à travers ses Centres Nationaux, qui existent actuellement dans une centaine de pays dans le monde. Paradoxalement, après cinquante d’indépendance, l’Algérie n’en fait pas partie

En fait, pourquoi insiste-t-on consciemment ou inconsciemment d’isoler la communauté théâtrale nationale, de l’environnement mondial qui constitue un des éléments primordiaux, d’intégration de la pratique théâtrale algérienne dans le giron universel ?

La politique usitée à ce jour par l’organisation des festivals locaux et internationaux, n’ayant aucune vision stratégique, n’a apporté et n’a engendré que la dilapidation des deniers publics et la mobilisation intempestive et effrénée des parasites de tous bords. Cette politique ne peut en aucun cas, se substituer à la définition d’objectifs clairs et des relations internationales saines et permanentes avec des opérateurs internationaux sérieux et officiels qui ont fait la preuve de leur adhésion à une réelle communauté d’intérêts, au service de l’humanité et de la culture universelle, à l’instar de l’I.I.Théâtre.

Pourquoi ce cloisonnement ? Pourtant cet Institut s’assigne comme objectifs :

A-d’encourager les échanges internationaux dans le domaine de la connaissance et de la pratique des arts de la scène, B-de stimuler la création et d’élargir la coopération entre les gens du théâtre, C- de sensibiliser l’opinion publique à la prise en considération de la création artistique dans le domaine du développement, D-d’approfondir la compréhension mutuelle afin de participer au renforcement de la paix et de l’amitié entre les peuples, E- de s’associer à la défense des idéaux et des buts définis par l’U

Les auteurs consultés et dont l’éminence est confirmée, ont développé dans leurs interventions individuelles et collectives, les conditions objectives et subjectives du processus mondial de sauvegarde, de promotion et de développement de la pratique théâtrale sur une période non négligeable de cinquante ans.

A travers les lettres qu’ils ont adressé à la communauté théâtrale mondiale dans le cadre de la Journée Mondiale, ils font ressortir pour chaque moment et à chaque étape,les problématiques avec leurs contradictions, leurs avancées et leurs reculs et les retournements et les bons quantitatifs et qualitatifs ,expliquant de fait, les raisons réelles, justificatrices et à la base des distorsions ,des grands chocs et des phénomènes qui bloquent l’évolution harmonieuse de la dite pratique, à travers ses différentes dimensions(dramaturgiques, dramatiques, techniques ,thématiques, esthétiques.) ainsi que les grands bouleversements dans les domaines de la gestion, de l’organisation et des positions en perpétuelles variations des autorités publiques vis-à-vis de la culture et particulièrement du théâtre.

Il est évident que ces secousses parfois virulentes et préjudiciables, soient le fait des répercussions des crises sociétales aux plans économiques, sociaux, culturels et autres. Mais leur particularité, c’est qu’ils s’inscrivent dans la dynamique de la transformation des rapports à travers toute l’humanité. Autrement dit, je considère selon mon humble avis, qu’il s’agisse là, d’une crise de croissance tout à fait naturelle, dont la finalité doit se traduire par un progrès incontestable tant sur le plan qualitatif que quantitatif.

Dans ces processus cycliques, le renouvellement, le changement, l’amélioration, la qualité, la rentabilité, la valorisation et tous les vecteurs qui contribuent à la mise en adéquation du produit théâtral avec les exigences de l’étape, et par conséquent les besoins réels et les aspirations profondes des publics et des créateurs, sont l’œuvre des hommes et des systèmes, mais sont l’émanation des crises et des contradictions de naissances et de croissances qui naissent tout au long du processus d’évolution pour enfanter de nouvelles formes et visions sur les plans suscités et provoquent un autre processus nouveau.

Ce nouveau processus est caractérisé par de nouvelles formes, des contenus différents, des organisations nouvelles, des esthétiques plus attrayantes, captivantes, fascinantes et séduisantes, des méthodes et des procédés de travail plus fiables et plus efficaces, du fait des victoires incessantes de la science et de la technologie et des avancées théoriques et pratiques et de leur utilisation parcimonieuse et à bon escient.

Tout cet apport théorique et pratique se traduit méthodologiquement, organisationnellement, scientifiquement et technologiquement par des changements structurels, améliorant ou transformant les arts et les sciences qui constituent les moyens d’élaboration des nouveaux fondements de la dramaturgie, de la narratologie, de la sémantique, la sémiologie , la sémiotique et les différents arts techniques tels que la mise en scène, la scénographie et tant d’autres techniques qui interviennent dans le processus de composition, d’écriture et de réalisation d’une œuvre d’art en l’occurrence et particulièrement, l’œuvre théâtrale ou littéraire .

Tels sont selon mon modeste avis, les grandes caractéristiques qui régissent le processus structurant de progression de la pratique théâtrale à travers les pays dans le monde, qui usent de la démocratie et de la participation réelle des théoriciens et des praticiens concernés, au processus sus-énoncé. Bref les pays dont les affaires de la société, sont gérés démocratiquement.

Dans ces pays, les problématiques qui se posent ne sont nullement, celles que génèrent un système de gestion brutale et bureaucratique de la société, mais bien l’émanation de conflits théoriques et pratiques entres les différents courants, écoles, méthodes qui cherchent la suprématie esthétique et culturelle et qui recourent à des voies et moyens honnêtes et civilisés pour se hisser en tant qu’avant-garde théâtrale et littéraire qui influent sur les courants majeurs. Il s’agit en fait, de l’expression d’une société qui se bat pour se hisser sans discontinuité et répondre aux aspirations et préoccupations de ses citoyens-publics.

Quant à notre pays et tous ceux qui lui ressemblent, si dans plusieurs segments de l’analyse, des similitudes frappantes existent, il n’en demeure pas moins que les réalités et l’expérience historiques, nous révèlent des dissemblances graves qui faussent le déroulement du processus.

Telle est mon humble observation de la pratique théâtrale en Algérie et dans les pays semblables, que j’ai voulu non exhaustive, aujourd’hui, compte tenu de la complexité de la situation et des caractéristiques qui la marquent, du fait des bouleversements grandioses qui se sont opérés durant les quarante dernières années. En effet, la situation qui prévaut actuellement, est certainement la résultante d’un processus qui tire sa substance d’une multitude innombrable d’évènements, de faits, d’orientations, en un mot de luttes autour d’enjeux en fonction des objectifs et finalités des uns et des autres et enfin des aspirations et préoccupations de la société au progrès.

Ainsi faut-il noter que les changements connus dans la sphère théâtrale, sont objectivement liés à ceux qu’a connus la société algérienne à travers ses différents axes d’évolution et de développement à travers ses crises, ses changements rapides et brutaux, ses affirmations, ses confirmations et ses infirmations, ses reniements et ses retournements, ses avancées et ses reculs, enfin, compte tenu de la dynamique socioculturelle, combien effrénée, contradictoire, et souvent violente, se distinguant par sa nébulosité parfois recherchée à dessein, et dans d’autre cas, par le fruit du hasard ou des influences extérieures et de la diversité des ambitions démesurées et archaïques, imposées par un hégémonisme bureaucratique, brutal, méprisant, frisant l’ignorance et la cécité.

Compte tenu de ce qui précède, l’état actuel de la pratique théâtrale, semble de mon modeste point de vue, être marqué par un nombre important de caractéristiques, dont il peut être cité notamment, dans la pratique professionnelle ou assimilée ce qui suit :

L’état réel de la pratique théâtrale dans ses segments structurants, à savoir au niveau dramaturgique, dramatique, technique et thématique, se distingue par :

- Faiblesse grave de la production tant au plan qualitatif que quantitatif.

- Indigence criarde au plan dramaturgique, dramatique, technique et esthétique des produits présentés ces dernières années.

Thématiques étudiées superficiellement et même parfois évasivement, diluant les thèmes dans des contradictions compromettantes, en plus de la non maîtrise de leurs traductions théâtrales.

-Prolifération des spectacles, au nom d’un hypothétique théâtre historique, dont les principes élémentaires ne sont pas maîtrisés par tous les théâtres.

– Exagération et banalité extrêmes dans l’utilisation des éléments périphériques du spectacle.

- Mises en scène banales, sommaires et quelconques sans aucune créativité réelle, ni mise à contribution des innovations universelles.

- Interprétation simpliste sans maîtrise des principes et des règles de composition et de caractérisation des personnages.

- Un divorce consommé dans la relation entre la pratique théâtrale et le public, malgré les statistiques exagérées et nébuleuses pour se couvrir et justifier le gaspillage effréné des deniers publics.

- Une fuite en avant, traduisant le nivellement par le bas. (Quiconque peut devenir du jour au lendemain « un professionnel du théâtre », pourvu qu’il ou elle surtout, soit dans les grâces et les alcôves des nouveaux saints.)

-Et tant d’autres lacunes qu’il serait fastidieux d’énumérer.

Quant aux amateurs et les autres potentialités intéressées par la pratique théâtrale, je note de manière particulière :

- l’engagement et l’ambition insoupçonnables de faire une pratique théâtrale, malgré les limites artistiques, compréhensibles et la réduction du nombre de groupes soumis au phénomène connu de « l’existence et de la disparition pour plusieurs motifs » et aux contraintes diversifiées, d’ordre technique et matériel. (Seules deux ou trois groupes dans les régions sahariennes, et un nombre réduit de privilégiés, bénéficient en permanence de l’aide financière de l’État, au nom d’un certain « théâtre du sud »et d’autres affinités subjectives. Cela constitue une initiative tout de même. Cependant la masse d’amateurs, se trouve disséminée à travers tout le territoire national et semble réitérer en permanence son vœu d’une juste et équitable répartition des encouragements matériels et financiers de l’État, sans égalitarisme ni populisme aucun.)

- Après toute une période où le théâtre amateur semblait avoir perdu ses repères et la fonction sociale qui lui a permis d’arracher une place privilégiée dans la société, il semble renouer avec des thématiques en prise avec les préoccupations du peuple.

- Ce théâtre continue de se débattre dans les problèmes qui touchent aux conditions essentielles qui conditionnent l’acte de créer et de produire, tels que le soutien moral, technique, matériel, organisationnel et l’absence de statuts juridiques particuliers qui porteraient sur l’organisation, la gestion et le fonctionnement de ces entités théâtrales.

- Ce théâtre continue de vivre le calvaire des difficultés de la distribution des spectacles. En effet, à quelques rares exceptions, les groupes de théâtre amateur, se trouvent en face d’un verrouillage en règle qui les empêche d’accéder à des espaces appropriés à la distribution de leurs produits. (Le cas semble ne pas concerner les troupes professionnelles qui disposent d’un programme totalement pris en charge par l’État (Salles équipées, transport, restauration, hébergement, frais de déplacement, etc.…)

- Le théâtre amateur vit une dispersion de ces particules, qui se traduit par un affaiblissement de sa force, de son impact et de son influence et par conséquent par son incapacité à prendre et à faire prendre en charge ses différents problèmes que cela soit par l’État, les collectivités locales et les autres institutions concernées.

Je m’arrête ici, pour aborder la question lancinante de l’organisation de la pratique théâtrale.

La pratique théâtrale aujourd’hui, est tributaire de l’organisation qui la régit. En effet, l’inadéquation de l’organisation existante avec les exigences actuelles en matière de sauvegarde, de promotion, et de développement, porte un coup très douloureux à la création, à la production, à la diffusion et à toutes les autres dimensions de cette pratique, y compris à la relation fondamentale qui conditionne le tout, à savoir la relation du théâtre avec le public, autrement le statut et la fonction du théâtre au sein de la société.

Il est de notoriété que l’organisation actuelle, soit globalement celle des années soixante dix, à laquelle, il a été ajouté quelques textes règlementaires qui n’ont eu aucun impact réel.

L’arsenal juridique existant, manque de clarté et de précisions vitales pour une politique cohérente qui prendrait en charge d’une manière dynamique, actualisée, efficiente et concrète les exigences d’une vision stratégique de développement de la pratique théâtrale dans notre pays, en relation avec les impératifs incontournables des avancées universelles.

Ce douloureux et grave problème se répercute d’une manière directe sur la gestion et l’organisation de la pratique théâtrale, en ouvrant des issues béantes à tous les dépassements, aux improvisations de tout acabit, à la confusion dans les missions et attributions, à la monopolisation du secteur par une minorité hégémoniste et envahissante au mépris de toute règle et enfin à une marginalisation des compétences avérées, confirmées, aguerries, qui disposent d’un itinéraire sain, élogieux par lequel, elles ont fait la preuve de leurs atouts et de leur attachement au noble art et à la patrie.

Telles sont les quelques remarques que j’ai tenues à exposer dans cette lettre que je conçois comme une alerte adressée à toute la communauté théâtrale, aux institutions publiques principalement concernées et compétentes dans le domaine.

De toute mon âme et de toutes mes forces, je crie « ayez le courage et l’honnêteté d’arrêter cette mascarade, soyez digne de votre Algérie, car plusieurs de ses enfants sont de garde et attendent le moment propice pour agir. »

Seule une gestion démocratique basée sur la concertation sincère, transparente et honnête, de toute la communauté théâtrale, peut créer les conditions propices et adéquates pour arrêter l’hémorragie grave et dangereuse et redresser la situation pour faire face aux exigences d’une stratégie forte devant permettre de réaliser les objectifs de sauvegarde, de réhabilitation, de promotion et de développement de la pratique théâtrale en Algérie !

Un proverbe de nos montagnes dit : « Mieux vaut répondre au cri émouvant de détresse, que d’être contraint de faire face au déluge qui tonnera ! »

Feu Federico Garcia Lorca, jeune dramaturge espagnol, assassiné par les hordes sauvages des fascistes sanguinaires Franco, Hitler et Mussolini, disait :

« Le théâtre est un des instruments les plus utiles à l’édification d’un pays, il est le baromètre qui en marque la grandeur ou la décadence. Un théâtre sensible et bien orienté dans ses branches, de la tragédie au vaudeville, peut changer en peu d’années, la sensibilité d’un peuple. Un théâtre en piètre état, ayant des sabots au lieu des ailes, peut abêtir et endormir une nation entière ! »

Je renouvelle mes salutations fraternelles et amicales à toute la communauté théâtrale et aux citoyens de la WILAYA de SKIKDA qui m’est très chère.

Mokhtar ATMANI Dramaturge, Romancier, Auteur dramatique, Metteur en scène, Formateur en Dramaturgie, en Narratologie et en Écriture dramatique.


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